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Ancien directeur de l'Institut de politiques territoriales et d'environnement humain (IPTEH) de l'Université de Lausanne, Dominique Bourg est désormais enseignant à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris. Lors du "Grenelle de l'environnement", il a présidé le groupe de travail sur la promotion des modes de développement durable. Avant son intervention de lundi 9 décembre après-midi, il nous livre dans cet entretien sa vision de la démocratie écologique.
Comment concilier temps politique et urgence écologique aujourd'hui ?
La conscience de l'urgence écologique devrait pour cela être plus largement répandue. Le hic, c'est que les gens n'y croient pas, ils ne se mobilisent pas et ne descendent pas dans la rue pour le climat.
Autre raison: le caractère abstrait des problèmes. La météo se perçoit facilement, mais la menace liée aux émissions de CO2 et l'ensemble des effets de long terme n'incitent pas au changement. Si on voyait les morts dans le sillage de la pollution d'une voiture, on se sentirait peut être plus obligé d'agir. Convaincre restera compliqué tant que ces problématiques ne tombent pas dans le cercle visible de nos actions. Sans cela, rien de force notre esprit et nous restons à distance de ces questions.
Si l'urgence radicale n'est pas entendue, ce n'est pas tant un problème politique qu'anthropologique !
Croyez-vous en la possibilité de trouver des solutions démocratiques aux défis actuels ?
On a intérêt à le faire! Mais mécanisme représentatif lui-même ne comprend pas de limite dans la maîtrise de la nature: la surabondance de la nature a toujours été prise comme postulat de nos systèmes politiques. On attend que les politiques publiques améliorent le dessein général. Elles nous demandent de nous exprimer sur ces sujets, mais ces problèmes sont globaux avec "un ailleurs" ou "un plus tard" dans le temps, ils sont abstraits et on ne les ressent pas: livrés à nous-même, on ne peut rien dire sur ces sujets.
La solution doit être cherchée dans des médiations scientifiques, mais le jeu médiatique fait jouer la contradiction et rend la tâche difficile, surtout quand le GIEC est mis en comparaison avec des personnes incompétentes...
Partant donc du principe que le citoyen ne sera jamais bien informé et que les politiques ne savent pas grand chose, introduire des systèmes différents passerait mieux avec une cour suprême et par la mise en place d'une contre-démocratie conçue avec système d'experts et un collège du futur (qui jouerait le rôle de troisième chambre qui ne vote pas de lois mais vérifie les lois et force à regarder ce qu'elle ne veut pas regarder).
Les citoyens permettront aussi d'éviter le côté gouvernement d'experts.
Comment faire évoluer notre système politique pour une meilleure efficacité décisionnelle?
A mon sens, cela passe par des citoyens informés et réunis par petits groupes, et la mise en place d'un collège du futur conçu comme une instance spécialisée qui peut réexaminer des propositions de lois.
Il nous reste à dépasser la vraie difficulté que sont les mécanismes anthropologiques qui nous empêchent d'embrayer comme nous le pourrions. Même si l'avenir n'est pas écrit et que certains scénarios ne sont pas forcément dramatiques, le défi reste énorme: comment allons nous faire pour répondre à l'accumulation de ces catastrophes ?